Recevoir les raisons de croire
< Toutes les raisons sont ici !
TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Les saints
n°537

Reims (France)

Vers 437 – 533

Saint Remi, l’évêque qui baptisa le roi des Francs

Saint Remi (écrit et prononcé sans accent sur le « e », selon l’usage à Reims) est le quinzième évêque de Reims. Il est issu de la société gallo-romaine, fils du comte de Laon, Emilius, et de Céline, qui sera canonisée. Retourné à Dieu le 13 janvier 533, Remi a siégé soixante-quatorze ans comme évêque, d’après l’inscription qu’un de ses successeurs, Hincmar, fera graver sur son tombeau. L’action de Remi, au cours de son pontificat, est surtout connue et admirable pour sa christianisation de la monarchie franque, dont les effets heureux se feront ressentir pendant des siècles.

Baptême de Clovis par saint Rémi, évêque de Reims, enluminure des Grandes Chroniques de France, vers 1375-1380. / © CC0, wikimedia.
Baptême de Clovis par saint Rémi, évêque de Reims, enluminure des Grandes Chroniques de France, vers 1375-1380. / © CC0, wikimedia.

Les raisons d'y croire :

  • Quand Clovis meurt, la reine Clotilde se retire plusieurs dizaines d’années à l’abbaye Saint-Martin de Tours. Elle y meurt vers 545. Quand Grégoire est nommé au siège épiscopal de Tours, nous sommes en 573 : il a donc pu, autant de fois qu’il l’estimait nécessaire à la rédaction de son Histoiredes Francs, rencontrer les moines que sainte Clotilde a cotoyés, ainsi que des personnes qui avaient connu la défunte reine. La conversion de Clovis a été la grande action de la vie de la reine, et cette dernière en a nécessairement entretenu son entourage. Le témoignage des nombreux dépositaires directs des souvenirs de Clotilde constitue donc une source sûre concernant les événements auxquels saint Remi prit part.
  • Or, voici le témoignage que Grégoire rend à l’évêque qui a baptisé Clovis : « Saint Remi était un évêque d’une grande science, et livré surtout à l’étude de la rhétorique ; il était si célèbre par sa sainteté qu’on égalait ses vertus à celles de saint Silvestre. Nous avons un livre de sa vie où il est dit qu’il ressuscita un mort » (Histoire des Francs, livre II).

  • C’est son sens politique, mis au service de Dieu, qui est le trait le plus caractéristique de l’action de Remi. L’évêque de Reims voit en Clovis le futur champion de l’Église et, en quelque sorte, parie sur lui. Pourtant la conversion de Clovis ne va pas de soi : le roi se montre d’abord hostile à la religion chrétienne. Ainsi reproche-t-il amèrement à Clotilde le baptême de leur premier fils : ses dieux à lui l’auraient protégé, tandis que le Dieu chrétien n’a pu le soustraire à la maladie qui l’a emporté ! Et voici que le cadet tombe malade à son tour (cf. Histoire des Francs, II). L’histoire prouve que l’intuition de Remi était juste.
  • Clovis, finalement devenu chrétien, soutient l’établissement des prieurés, des abbayes et des paroisses et encourage l’Église dans son œuvre d’évangélisation. Les fruits en sont une certaine pacification des mœurs, qui favorise la concorde, le développement des lettres et de la culture par l’entremise des bibliothèques des églises cathédrales et abbatiales, et l’union de l’État autour de la foi et du culte dus au « Dieu de Clotilde », selon le mot de Clovis à Tolbiac, qui est le vrai Dieu. Deux autres lettres de saint Remi témoignent de son admiration pour l’œuvre de civilisation chrétienne qui se mettait en place sous ses yeux, fruit des actes de gouvernement du roi des Francs. Le Testament de saint Remi exprime aussi clairement cette idée.

  • Le corps de saint Remi est conservé dans une splendide châsse, puis dans un tombeau sculpté qui est un véritable chef-d’œuvre. Le soin porté à sa dépouille est à la fois un symbole de la vénération du saint et de la croyance en son pouvoir d’intercession auprès de Dieu, ainsi que la reconnaissance du rôle important qu’il a joué dans l’histoire de la France.

Synthèse :

Nous sommes à Tolbiac (l’actuelle Zülpich, dans le district de Cologne), en 496 selon la chronologie de Grégoire de Tours. Clovis, roi des Francs saliens, livre bataille aux Alamans, une confédération de peuples germaniques qui luttent contre les Francs rhénans : leur roi, Sigebert, a demandé à Clovis son aide. Au cours de la lutte, Clovis voit ses guerriers se faire massacrer. Le sort de la bataille semble lui échapper. Profondément ému, il invoque alors en lui-même le Dieu unique de sa seconde épouse, Clotilde, et implore son secours par des paroles que Grégoire de Tours développe et ordonne ainsi : « Jésus-Christ, que Clotilde affirme être Fils du Dieu vivant, qui, dit-on, donne du secours à ceux qui sont en danger, et accorde la victoire à ceux qui espèrent en toi, j’invoque avec dévotion la gloire de ton secours : si tu m’accordes la victoire sur mes ennemis, et que je fasse l’épreuve de cette puissance dont le peuple, consacré à ton nom, dit avoir relu tant de preuves, je croirai en toi, et me ferai baptiser en ton nom ; car j’ai invoqué mes dieux, et, comme je l’éprouve, ils se sont éloignés de mon secours ; ce qui me fait croire qu’ils ne possèdent aucun pouvoir, puisqu’ils ne secourent pas ceux qui les servent. Je t’invoque donc, je désire croire en toi ; seulement que j’échappe à mes ennemis. » Cette prière n’est pas publique (contrairement à l’idée que pourrait véhiculer, si on la prend au pied de la lettre, la monumentale fresque de Paul-Joseph Blanc, qui décore le Panthéon de Paris) : nul, au milieu du fracas des armes et de la course des chevaux, ne l’entend. Grégoire en tient les idées principales des témoignages que lui ont rapportés hommes et femmes qui ont côtoyé Clotilde à Saint-Martin de Tours, durant son veuvage. Clovis en avait assurément fait la confidence à sa femme, au retour de Tolbiac. Comment pourrait-il en être autrement ? Le terme de la bataille est connu : le chef Alaman est tué et ses soldats fuient d’abord en toute hâte, puis se rendent à Clovis en implorant sa pitié. Le roi des Francs fait aussitôt cesser le carnage.

À la suite de la victoire, Clovis entend tenir parole, mais il est roi – la religion n’est pas reléguée au domaine privé à l’époque – et son baptême n’engage pas que lui. C’est pourquoi, comme Remi, qu’il est allé trouver à la demande de Clotilde et qui l’invite « à croire au vrai Dieu, créateur du Ciel et de la terre, et à abandonner ses idoles qui n’étaient d’aucun secours, ni pour elles-mêmes, ni pour les autres », il répond à l’évêque : « Très saint père, je t’écouterai volontiers ; mais il reste une chose, c’est que le peuple qui m’obéit ne veut pas abandonner ses dieux ; j’irai à eux et je leur parlerai d’après tes paroles. » Grégoire continue ainsi son récit : « Lorsque Clovis eut assemblé ses sujets, avant qu’il eût parlé, et par l’intervention de la puissance de Dieu, tout le peuple s’écria unanimement : "Pieux roi, nous rejetons les dieux mortels, et nous sommes prêts à obéir au Dieu immortel que prêche saint Remi". On apporta cette nouvelle à l’évêque qui, transporté d’une grande joie, ordonna de préparer les fonts sacrés » (ibid.).

Saint Avit, évêque de Vienne, félicitera par lettre le roi d’avoir eu la force morale nécessaire pour rompre avec les coutumes ancestrales et de préférer ainsi à des idoles vaines, parce qu’impuissantes, la vérité pratique : un Dieu qui sauve. Si, alors qu’il était païen, Clovis a été heureux dans ses conquêtes, c’est que le vrai Dieu le protégeait en vue du dessein qu’il avait à son égard. Désormais, c’est en raison de la sainteté du roi (c’est-à-dire de sa vie juste envers Dieu et envers les hommes) que Dieu le garde. À n’en pas douter, c’est le discours que Remi tient à Clovis quand il le catéchise en lui représentant les miracles du Dieu d’Israël envers son peuple lors de la fuite d’Égypte et durant l’entrée dans la Terre promise.

Nous sommes à Noël, entre les années 496 et 506. Grégoire de Tours décrit la cérémonie : « On couvre de tapisseries peintes les portiques intérieurs de l’église, on les orne de voiles blancs ; on dispose les fonts baptismaux ; on répand des parfums, les cierges brillent de clarté, tout le temple est embaumé d’une odeur divine, et Dieu fit descendre sur les assistants une si grande grâce qu’ils se croyaient transportés au milieu des parfums du paradis. Le roi pria le pontife de le baptiser le premier. Le nouveau Constantin s’avance vers le baptistère, pour s’y faire guérir de la vieille lèpre qui le souillait, et laver dans une eau nouvelle les tâches hideuses de sa vie passée. Comme il s’avançait vers le baptême, le saint de Dieu lui dit de sa bouche éloquente : "Sicambre, abaisse humblement ton cou : adore ce que tu as brûlé, brûle ce que tu as adoré" » (Histoire des Francs, II). Selon le rituel du baptême, Clovis est baptisé. Puis, rapporte toujours Grégoire de Tours, saint Remi l’oint avec le saint chrême pour signifier que Dieu consacre son pouvoir royal. À sa suite, trois mille hommes de son armée sont aussi baptisés, ainsi que sa sœur Alboflède, qui mourra peu de temps après. Lantechilde, l’autre sœur de Clovis, était devenue arienne. Elle rejettera cette hérésie par la suite et sera également baptisée.

Saint Remi, comme saint Ambroise deux siècles avant lui en obligeant l’empereur Théodose à faire pénitence publique pour le massacre de Thessalonique, a compris que la foi catholique contribue à détacher un chef païen de la superstition, contrefaçon de la vertu de religion – vertu qui unit l’homme à Dieu –, ainsi que de tout genre de mauvais exemple et de despotisme, parce que le roi doit désormais rendre des comptes au Dieu saint et juste. Le baptême de la monarchie franque conduit à la rectification morale du pouvoir franc et saint Remi en est, devant l’Histoire, la condition sine qua non. C’est son mérite éternel.

Remi meurt à l’âge de quatre-vingt-seize ans. Il est enterré dans l’église Saint-Christophe, qui deviendra la basilique Saint-Remi, et est fêté le 15 janvier en France et le 1er octobre à Reims.

Docteur en philosophie, Vincent-Marie Thomas est prêtre.


Au-delà des raisons d'y croire :

Dix grandes tapisseries, tissées en laine et en soie, retracent la vie de saint Remi. Elles ont été offertes à l’abbaye Saint-Remi par Robert de Lenoncourt, archevêque de Reims (représenté sur la dixième tapisserie). Elles ont été tissées entre 1523 et 1531. Cinq d’entre elles viennent d’être restaurées et sont exposées au musée Saint-Remi, à Reims. La quatrième tapisserie représente le baptême de Clovis.

Les miracles qui sont dépeints sur cet ensemble de tentures sont rapportés par la Vita Remigii de l’évêque Hincmar, un des successeurs de saint Remi à l’épiscopat de Reims au IXe siècle. Homme lettré et juriste de talent, Hincmar est certainement exact et honnête dans son rapport historique, mais nous ne savons pas précisément quelles étaient ses sources.


Aller plus loin :

Patrick Demouy, Petite Vie de saint Remi, Paris, Desclée de Brouwer, 1997, 178 p.


En savoir plus :

  • Gallia christiana [...] opera et studio monachorum congregationis S. Mauri, Paris, 1751, tome IX, col. 10-13.
  • Documents sur le règne de Clovis, traduction de Nathalie Desgrugilliers, Clermont-Ferrand, Paleo, coll. « Encyclopédie médiévale », 2011, 238 p.
  • Bruno Dumézil, Le Baptême de Clovis, Paris, Gallimard, coll. « Les journées qui ont fait la France », 2019, 320 p.
  • Marie-Céline Isaïa, Remi de Reims. Mémoire d’un saint, histoire d’une Église, Paris, Cerf, coll. « Histoire religieuse de la France », no 35, 2010, 922 p.
  • Léon Levillain, « La conversion et le baptême de Clovis » dans la Revue d’histoire de l’Église de France, tome 21, no 91, 1935, p. 161-192. Disponible en ligne.
  • Sur le site Internet Notre Histoire avec Marie, l’article : « Saint Remi de Reims, apôtre des Francs ».
Partager cette raison

LES RAISONS DE LA SEMAINE

L’Église , Les saints , Les apparitions et interventions mariales
Saint Simon Stock reçoit le scapulaire du Mont Carmel des mains de la Vierge Marie
Les saints
Saint Pascal Baylon, humble berger