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TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Des miracles étonnants
n°432

Bordeaux (France)

1810

Le rôti inépuisable de Marie-Thérèse de Lamourous

Au milieu des années 1810, la situation financière de la Miséricorde de Bordeaux, refuge pour prostituées désireuses de changer de vie et pour femmes en détresse, est mauvaise. L’Église de France se reconstruit péniblement après les persécutions révolutionnaires et elle est privée des biens qui lui permettaient, sous l’Ancien Régime, d’assurer toutes les tâches caritatives, hospitalières et éducatives du pays. La fondatrice et supérieure de la maison, mademoiselle de Lamourous, a décidé, une fois pour toutes, de ne compter que sur la providence, ce qui ne lui réussit pas si mal puisqu’elle trouve toujours de quoi payer les factures et nourrir sa centaine de pensionnaires et ses rares religieuses. Mais, ce jour-là, il n’y a plus un sou dans la caisse et rien à manger… On ira au lit sans souper, avec la crainte d’en faire autant le lendemain. En fin de journée, l’on sonne à la porte : une personne charitable apporte un rôti de porc, de belle taille, certes, mais pas au point d’en assurer ne serait-ce qu’un petit morceau à chacune. Mademoiselle de Lamourous le met cependant à cuire, le fait servir au réfectoire, commence à le découper et à remplir les assiettes. Elle est la première surprise en constatant que la pièce de viande se révèle inépuisable !

© pxhere
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Les raisons d'y croire :

  • Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les secours providentiels matériels, inespérés, sont plus fréquents qu’on le pense et il n’est pas nécessaire d’être un saint pour en bénéficier, beaucoup de gens peuvent en témoigner. C’est la mise en application de la promesse du Christ dans l’Évangile de Matthieu : « Regardez les oiseaux du ciel qui ne sèment ni ne récoltent dans des greniers et, pourtant, votre Père des Cieux les nourrit. Ne valez-vous pas mieux que l’herbe des champs qui sera jetée au feu ? […].Regardez les lis des champs qui ne tissent ni ne filent et, pourtant, jamais Salomon dans toute sa gloire ne fut vêtu comme l’un d’entre eux» (Mt 6,28-29).

  • Marie-Thérèse de Lamourous a déjà expérimenté à maintes reprises les largesses de la providence, ses prières entraînant systématiquement l’arrivée de l’argent dont elle avait un besoin urgent. Mais Dieu va la surprendre cette fois-ci en lui envoyant non pas de l’argent, comme d’habitude, mais en renouvelant un miracle de multiplication de la nourriture.
  • Depuis la multiplication de pains et de poissons par Jésus pour nourrir une foule affamée, les miracles de multiplication de vivres sont assez fréquents et bien attestés, même à l’époque moderne ; par exemple quand, durant la famine de 1846, la farine se révèle inépuisable dans les coffres de l’orphelinat d’Ars après la bénédiction de l’abbé Vianney.
  • Il reste surprenant que, dans le cas de mademoiselle de Lamourous, le miracle concerne un plat de viande cuisiné. C’est précisément parce qu’il est tellement saugrenu d’envisager ce rôti de porc dont on ne voit pas le bout qu’il semble impossible que la chose ait été inventée.
  • Non seulement mademoiselle de Lamourous va remplir les assiettes de toutes les personnes présentes, mais elle resservira tout le monde et il y aura des restes abondants pour le lendemain. Toute la communauté – les jeunes filles accueillies comme les religieuses – en sera témoin et racontera l’histoire, y compris ses deux nièces qui, issues de l’aristocratie, sont particulièrement éduquées et dépourvues d’idées superstitieuses ou de crédulité.
  • Marie-Thérèse de Lamourous est une personne très pieuse, certes, mais elle a les pieds sur terre, le sens des affaires et des réalités. Au cours de sa vie, personne ne l’a prise pour une exaltée.
  • Dernière démonstration de la réalité de l’événement, mademoiselle de Lamourous se montrera après cet évènement et jusqu'à sa mort le 14 septembre 1836, toujours parfaitement tranquille face aux problèmes matériels, dans la certitude établie qu’ils n’ont aucune importance et que Dieu fait toujours le nécessaire en faveur de ceux qui se fient à lui.

Synthèse :

Née à Barsac, en Guyenne, le 1er novembre 1754, Marie-Thérèse Charlotte de Lamourous, issue d’une famille de la vieille noblesse, apprend tôt que, dans sa famille, l’on n’a peur de rien, sauf d’offenser Dieu. Ce sera toute sa vie sa règle de conduite intangible.

À seize ans, elle veutentrer au Carmel. Son directeur de conscience lui dit que « Dieu ne la veut pas dans un cloître » et a d’autres vues pour elle. Quinze ans plus tard, elle ne sait toujours pas lesquelles et elle est trop vieille, à l’époque, pour songer au mariage. D’ailleurs, elle croit toujours à sa vocation religieuse et, en attendant de savoir où elle doit aller, elle mène à Bordeaux une vie consacrée à la prière et aux œuvres caritatives, bénie du clergé pour son dévouement.

La Révolution et la persécution religieuse vont bouleverser cette existence. Ses amis prêtres et son directeur de conscience ont refusé le serment à la Constitution civile du clergé, schismatique, et sont passés dans la clandestinité, risquant leur tête, tout comme les laïcs qui les aident. Marie-Thérèse en fait partie.

Pour être plus utile à la religion, elle feint des sympathies révolutionnaires et s’introduit chez les dirigeants républicains de Gironde, flattés d’avoir converti à leurs idéaux cette aristocrate. En fait, mademoiselle de Lamourous recueille des renseignements sur leurs projets et les arrestations prévues. Plusieurs fois, elle vole les listes des suspects sur le point d’être arrêtés et les prévient, leur permettant de fuir. En parallèle, elle enseigne clandestinement le catéchisme, organise des réunions de prières, des confessions, des messes, répand la dévotion à l’Eucharistie et au Sacré Cœur – remèdes offerts par le Ciel pour le salut de la France –, sert de couverture aux prêtres réfractaires bordelais... Habillée en paysanne, elle les accompagne en ville quand ils portent les sacrements aux agonisants, un couple désarmant la méfiance des gendarmes. Cela n’évite pas à son directeur de conscience d’être arrêté, un jour qu’il est seul, et guillotiné.

Elle rencontre le père Chaminade, qui remplace le défunt et à qui elle rend les mêmes services, devenant la confidente de ses projets de fondation d’une œuvre mariale qui rechristianisera la France. La persécution religieuse du Directoire les oblige à quitter Bordeaux. Marie-Thérèse se retire dans son château du Médoc, où elle organise, faute de prêtre, des « messes blanches », sans eucharistie. La prise du pouvoir par Bonaparte et l’apaisement religieux permettent au père Chaminade de rentrer d’Espagne.

Aussitôt, Marie-Thérèse reparle vocation religieuse. Il l’invite « à attendre un signe déterminant », qui ne vient pas… Marie-Thérèse commence à craindre de ne jamais atteindre l’état auquel elle se pense appelée. Le père Chaminade se montre bon guide : selon lui, sa dirigée doit parvenir au « saint abandon » et s’en remettre entièrement à la bonté divine.

Le père Chaminade lui laisse plus tard entrevoir un apostolat « auprès de personnes exposées à perdre l’éternité bienheureuse en perdant leur honneur ici-bas ». Mademoiselle de Lamourous, chaste au point de changer de trottoir si elle croise une prostituée, ne comprend pas. Elle sait pourtant qu’en cette année 1800, son amie Jeanne de Pichon-Longueville, qui, jadis, se dévouait aux filles perdues, a rouvert pour elles un asile à Bordeaux. Madame de Pichon-Longueville a déjà réclamé son aide et s’est heurtée à un refus indigné, puis, par charité, mademoiselle de Lamourous s’y rend. Quelques semaines plus tard, elle déclare après une nouvelle visite : « Bonsoir, je reste ! »

Jusqu’à sa mort, en 1836, sa destinée et celle du refuge de la Miséricorde de Bordeaux seront liées. C’est près des filles perdues qu’elle se sanctifiera. Marie-Thérèse de Lamourous a été déclarée vénérable en 1989.

Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages pour la plupart consacrés à la sainteté.


Aller plus loin :

Auguste Giraudin, Marie-Thérèse Charlotte de Lamourous, fondatrice de la Miséricorde de Bordeaux, 1912.


En savoir plus :

  • Chanoine Stefanelli, Mlle de Lamourous, North American center for Marianistes etudes, 1998.
  • Marianistes de France, Les Sœurs de Marie-Joseph et la Miséricorde.
  • Charlotte May Yonge, Marie-Thérède de Lamourous, a biographie abridged from the Father Pouget (reedition: Legare Street Press, 2023).
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