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Les grands témoins de la foi
n°662

Europe

Vers 1359 – 1419

Jean Dominici, témoin de la charité et de la vérité du Christ

Frère Jean Dominici est un dominicain italien, cardinal et archevêque de la fin du XIVe siècle et du début du XVe siècle. La direction remarquable qu’il a imprimée à l’ordre dominicain, ses ouvrages théologiques et son dévouement comme légat au service du Saint-Siège pour travailler à l’unité de l’Église en font un modèle pour tout prédicateur apostolique. Dès le jour de sa mort, le 10 juin 1419, il est considéré par tous comme un saint. Cette réputation, éprouvée, sera confirmée par Grégoire XVI en 1832, lorsque le pape le proclame bienheureux.

Saint Jean Dominici, vitrail de l'église du Saint-Nom-de-Jésus à Lyon. / © CC0
Saint Jean Dominici, vitrail de l'église du Saint-Nom-de-Jésus à Lyon. / © CC0

Les raisons d'y croire :

  • Giovanni Dominici souhaite être un témoin de Dieu, dans la pauvreté, la chasteté et l’obéissance. À dix-sept ans, il postule pour entrer dans l’ordre dominicain au couvent florentin de Santa Maria Novella. Il en fréquente l’église depuis longtemps, y assistant dès qu’il peut aux offices, depuis la messe du matin jusqu’aux vêpres du soir.
  • L’obstacle principal à sa vocation vient d’un fort bégaiement, qui rend impossible la mission de prédication à laquelle il aspire. Mais son défaut d’élocution devient peu perceptible et ses prédications seront finalement tenues en grande estime par tous : pénétrées d’esprit théologique, elles ravissent les théologiens éminents. Au dire de ses contemporains, elles ne sont pas moins émaillées de réflexions morales, qui fournissent des repères sûrs aux hommes moins instruits. Tous sont ainsi guidés vers Dieu en l’écoutant.
  • Il lui arrive de prêcher quatre ou cinq fois par jour. Ses prédications sont fructueuses : nombreux sont les auditeurs qui amendent leur vie. Des haines intestines s’apaisent, et l’on voit des ennemis réputés faire la paix entre eux. À Venise, en 1391, après l’avoir écouté, plusieurs dames décident de se retirer du monde et de fonder un couvent féminin dominicain. Cette communauté fleurit tellement qu’elle essaime bientôt à Florence.
  • En effet, son exemple convainc autant que son enseignement, si bien que plusieurs jeunes gens nobles des villes dans lesquelles le frère Jean Dominici prêche abandonnent le monde et se font dominicains. Leurs pères, désappointés, rejettent parfois leur colère contre le bienheureux. Lui reçoit les injures et les menaces avec douceur, jusqu’à ce que la colère quitte ces derniers, qui viennent finalement le trouver pour s’excuser.
  • Plusieurs traités brillants sont dus à la plume du frère Jean Dominici. Sa Lucula Noctis (Luciole de la nuit) est rédigée en 1405 en réponse à une lettre du chancelier de Florence, Nicola di Piero Salutati. Dominici s’y oppose vigoureusement à l’humanisme païen de l’époque, qui se sert des écrivains antiques pour mettre la foi sous le boisseau.
  • On lui doit également le Traité de l’amour de charité. Selon lui, « la plus grande vertu est la charité ». « La charité existe en Dieu […]. Elle rapproche l’homme de Dieu ; elle qui a fait de Dieu un homme. » Le Frère Dominici met de plus cette pensée en pratique : son action charitable est connue par les aumônes qu’il donne, fruits de celles qu’il reçoit lui-même à la suite des prêches et dont il ne garde rien. Sa générosité s’étend non seulement aux pauvres gens qui viennent lui demander de l’aide, mais aussi à ceux qui n’osent pas, et qu’il va trouver lui-même. Il rachète aussi la rançon de quelques malheureux esclaves.

  • La vocation dominicaine, qui est résumée par la devise de l’ordre : Contemplata aliis tradere (« transmettre aux autres hommes la beauté divine qu’on a d’abord contemplée soi-même ») a été excellemment mise en pratique par le bienheureux Dominici en ses prédications, mais aussi en l’enluminure. Le bienheureux Dominici a aussi enseigné cet art aux religieuses dominicaines de Venise et Florence. Fra Benedetto a marché sur ses pas et est devenu l’un des plus grands miniaturistes. Fra Angelico a fait de même, avec son talent propre.
  • Le cardinal Dominici décède à Buda. Il est enterré dans l’église de Saint-Paul-Premier-Ermite. Une foule de miracles, advenus sur sa tombe, le rendent aussitôt très célèbre, jusqu’en 1540, date à laquelle les Turcs saccagent la ville et détruisent les lieux saints, faisant ainsi disparaître le sépulcre du bienheureux Jean Dominici.

Synthèse :

Jean Dominici est né vers l’an 1359, à Florence, dans une famille pauvre mais pieuse. Il se sent appelé jeune à devenir religieux, mais l’obscurité et la pauvreté de sa famille qui ne peut prendre en charge les frais de son quotidien au couvent constituent d’abord un obstacle. Il ferait par là même défaut à ses parents qui comptent sur son aide à la maison. Le jeune homme ne se laisse toutefois pas décourager. La mise à l’épreuve renforce son désir de se donner au Christ et sa persévérance porte des fruits : il est accepté au couvent à l’âge de dix-neuf ans.

Tous remarquent alors les progrès remarquables qu’il accomplit : bien qu’il se tienne lui-même pour un ignorant et qu’il se propose pour accomplir les tâches matérielles, ses maîtres sont contents de ses études. Il se montre modeste, aimable envers tous et pieux. Cet état d’esprit ne le quittera jamais : reconnu plus tard excellent théologien, il refusera toujours le grade de « maître » (c’est-à-dire le diplôme qu’accompagne le titre correspondant), que ses supérieurs lui offriront pourtant plusieurs fois.

Novice, il dort peu et se prive de nourriture en esprit d’abstinence. Après sa profession solennelle, par laquelle il se donne pour toujours au Christ, il ne prend plus qu’un repas par jour, et se contente souvent de pain et d’eau. Ce régime lui occasionne de fortes douleurs à l’estomac. Le temps gagné est dédié à la lecture des Saintes Écritures, à l’étude et à la prière nocturne. Ennemi de l’oisiveté, il passe ses temps de récréation à recopier et orner d’enluminures les grands livres qu’on utilise au chœur, à l’office liturgique.

C’est contraint par l’obéissance qu’il accepte de régir les couvents de la province de Rome : le bienheureux Raymond de Capoue, Maître général, le nomme en 1392 vicaire de la province. Il se montre en cette charge prudent, discret et charitable. C’est aussi de force que le pape Grégoire XII le crée cardinal, après l’avoir nommé archevêque de Raguse.

C’est pour rétablir la discipline d’origine, voulue par saint Dominique, que le bienheureux construit et fonde en 1406 le couvent de Fiesole, avec les secours d’un noble florentin, Barnaba degli Agli. Ce couvent jette le fondement de la réforme de l’ordre, qui se diffuse peu à peu dans toute la Toscane. Les frères qui y sont formés apportent ensuite avec eux la discipline réformée aux couvents de Lucques, de Pise, de Cortone et de Fabriano. Saint Antonin, le futur évêque de Florence, y étudiera. Le célèbre peintre Fra Angelico aussi : il y peindra le retable de l’église.

Le frère Dominici est ensuite envoyé par les Florentins comme ambassadeur au conclave de 1406, qui s’achève par l’élection de Grégoire XII. Ce dernier, après l’avoir nommé archevêque de Raguse (en Dalmatie) et cardinal, l’envoie en Hongrie pour s’assurer de l’allégeance du roi Sigismond. Nous sommes en effet à l’époque du schisme d’Occident, qui commence en 1378 à la mort de Grégoire XI et s’achève en 1417, au terme du concile de Constance. La chrétienté occidentale, déjà divisée par la guerre de Cent Ans, se partage entre deux obédiences : certains pays reconnaissent le pape de Rome, tandis que d’autres suivent celui d’Avignon. La réunion du concile de Pise, en 1409, qui avait pour but de démettre les deux papes régnants et d’élire leur successeur commun, ne conduit qu’à l’élection d’un troisième pape, Alexandre V, qui meurt rapidement et auquel succède la même année le pape pisan Jean XXIII. En effet, ni le pape romain, Grégoire XII, ni le pape avignonnais, Benoît XIII, n’acceptent de renoncer à leur charge.

En 1411, le concile de Constance (1414-1418) est convoqué et proclame sa supériorité sur le pape (quel qu’il soit) afin de mettre définitivement un terme au schisme. Grégoire XII envoie le cardinal Dominici l’y représenter. Jean XXIII est déposé en mai 1415, Grégoire XII renonce effectivement à sa charge en juillet de la même année et Benoît XIII, qui n’a pas répondu à la convocation du concile ni envoyé de légat, est dès le début du concile déclaré schismatique et comme tel excommunié, et demeure abandonné par presque tous ses soutiens. Deux années s’écoulent sede vacante, puis Martin V est élu en 1417. Durant cet imbroglioinextricable, le frère Dominici demeure fidèle à Grégoire XII, l’engageant quand l’occasion se présenterait à poser tous les actes nécessaires en vue de l’union de l’Église.

Au terme du concile, le cardinal Dominici est envoyé par le pape Martin V en Bohème, pour tenter de réduire l’hérésie de Jean Hus, en conseillant Sigismond en cette entreprise. Le royaume de Bohême est en effet un fief impérial. Le légat accompagne donc l’empereur, mais ce dernier se montre timoré et le cardinal, voyant qu’il ne parviendra à rien, se retire à Buda, capitale du royaume de Hongrie (actuellement une partie de Budapest), afin de travailler au moins à ce que les erreurs des hussites ne la pénètrent pas. Prévenu que son pèlerinage terrestre s’achèvera en cette ville, il redouble alors de pénitence, de piété et de charité envers les pauvres. Sa mort survient en 1419.

Reconnu par tous comme un saint, Grégoire XVI confirme ce jugement en le déclarant officiellement au rang des bienheureux le 9 avril 1832.

Docteur en philosophie, Vincent-Marie Thomas est prêtre.


Au-delà des raisons d'y croire :

Plusieurs traités sont dus à la plume du frère Jean Dominici. Ce sont des commentaires sur divers livres de l’Écriture sainte, plusieurs livres de piété et des ouvrages de circonstance. Par exemple, les Règles du gouvernement des soins de la famille, écrites entre 1400 et 1405, sont un ouvrage pédagogique qui traite, en quatre livres, des facultés de l’âme, des pouvoirs et des facultés sensorielles du corps, de l’usage des biens terrestres et de l’éducation des enfants. Une correspondance est conservée, ainsi que des laudi, hymnes en langue vernaculaire, qui témoignent que le frère Dominici était aussi un poète.


Aller plus loin :

Domenico Maria Marchese, o.p., Sagro diario domenicano, vol. II (mesi di marzo e aprile), Napoli, 1670, p. 132-135 (à la date du 29 mars). L’ouvrage est rédigé en italien. Disponible en ligne.


En savoir plus :

  • Bienheureux Jean Dominici, Lucula noctis, Paris, Picard, 1908, 597 p. Le texte latin est précédé d’une longue introduction et assorti de notes. En ligne.
  • Bienheureux Jean Dominici, Traité de l’amour de charité. Un extrait est disponible en ligne.
  • Anne Reltgen-Tallon, « L’observance dominicaine et son opposition à l’humanisme : l’exemple de Jean Dominici », dans Humanisme et Église en Italie et en France méridionale (xve siècle – milieu du xvie siècle), Rome, Publications de l’École française de Rome, 2004, p. 43-62. Disponible en ligne.
  • Une notice en anglais sur la vie du bienheureux Dominici est disponible sur le site Internet Dominicana des frères étudiants de la ville de Washington.
  • Nirit Ben-Aryeh Debby, Renaissance Florence in the Rhetoric of Two Popular Preachers: Giovanni Dominici (1356 – 1419) and Bernardino da Siena (1380 – 1444), Turnhout, Brepols, 2001.
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